Conclusion

D
e Hérodote à Houdin, les théories essayant d'expliquer le mystère de la construction de la grande pyramide de Khéops sont très nombreuses et prennent en compte le fait "établi" par les archéologues que sous l'ancien empire les égyptiens ne connaissaient ni la roue, ni la poulie mobile et encore moins des animaux de trait comme les bœufs.* Les égyptiens ne disposant que de leur propre force, de cordes en fibre de palmier doum, de papyrus, de lin ou d'alfa, toujours torsadés, jamais tressés, puis plus tard en chanvre, de poulies fixes, de bois et d'outils en cuivre pouvant être utilisés comme leviers, ou pour tailler les pierres, etc... C'est bien tout cela qui nous stupéfie lorsqu'on observe ces imposantes pyramides âgées de plusieurs millénaires et dont on rapporte qu'elles auraient été érigées en une vingtaine d'années. C'est donc par des raisonnements simples et avec une approche de physicien qu'un tri a été fait entre ces différentes théories, afin de savoir quelles méthodes, de levage ou de tractage, seraient les plus pertinentes et sous quelles conditions.

En premier lieu il a été vu que les théories de levage d'une charge plutôt que de son tractage sont les plus légitimes dès lors qu'il s'agit de travailler sur des hauteurs élevées avec beaucoup de travailleurs. Il a ainsi été démontré qu'en tenant compte du nombre de travailleurs et des forces de frottement, envisager des pentes faibles pour monter des charges était basé sur des a priori et que par exemple, préférer une pente de 26° à une pente de 7° permettait un gain de temps de 2.5 fois si l'on considère un coefficient de frottement u à sec de 0.5 (1.9 fois en sol humide sinon car u réduit à 0.2. Une étude intéressante sur les coefficients de frottement réduits par humidification reste celle de A. Fall:Sliding Friction on Wet and Dry Sand). Pour ce type de tractage en pente forte (26°), il serait possible d'emprunter des escaliers latéraux à la rampe. Comme les mesures de F. Pétrie le montrent, il y a des singularités allant jusqu'au niveau de la chambre du roi qui fait qu'il y a des choses non comprises et que l'on peut tout imaginer comme l'utilisation d'autres rampes à 26° faisant partie de l'édifice comme la grande galerie qui aurait permis de tirer/lever de lourdes poutres de la chambre du roi; Toujours est-il que le cas extrême et le plus avantageux reste celui de pentes proches de 90° correspondant au tractage/levage d'une charge le long d'un puits ou d'un mur et permettant un gain maximum de temps compris entre 2.6 (u=0.2) et 5 (u=0.5) fois par rapport à une pente de 7°.

En deuxième lieu, a été vu qu'on ne pouvait lever directement une charge sur toute la hauteur de la pyramide, il reste préférable de procéder par étapes avec des niveaux successifs de la pyramide à définir. Dans le cas de la pyramide de Khéops, ces niveaux ont été retrouvés de manière cohérente par 3 méthodes différentes: l'exploitation des mesures de F. Pétrie, la microgravimétrie EDF, et les mesures laser. La pyramide de Khéops aurait d'abord été construite comme une pyramide à degrés avec des massifs situés à environ 0, 17, 29, 37, 53, 69, 89, 105, 125, 146m. Ces massifs pouvant être théoriquement reliés pour certains d'entre eux par des rampes latérales d'environ 8° d'inclinaison, mais c'est un résultat géométrique qui ne semble pas correspondre aux mesures laser. De plus, le massif à 29m de hauteur se distingue des autres car ne semble pas correspondre de loin ou de près à une grille de travail. Pour expliquer la présence de ce massif, il est possible qu'une rampe d'accès comprise dans la pyramide ait été utilisée pour les 29 premiers mètres. 

En troisième lieu a été étudié le gain que pouvait représenter la possible utilisation de contrepoids pour ériger les blocs. Ce gain s'étant révélé assez important en termes de ressources, reste difficile à mettre en pratique sans envisager d'effort fractionné comme introduit dans cet ouvrage. Les gains apportés par l'utilisation de contrepoids montrent que les égyptiens auraient dû utiliser cette méthode de contrepoids pour des blocs de plus de 3 tonnes. De nombreux auteurs s'accordant à dire que la grande galerie de Khéops a été utilisée comme passage de contrepoids pour lever les poutres des chambres de décharge.

En quatrième lieu, cet ouvrage, ne s'est pas focalisé sur les machines de levage, alors que ce sont elles qui auraient pu être utilisées pour bâtir les pyramides, et non les rampes à l'exception peut être de rampes d'accès en pente forte et à définir pour les niveaux les plus bas (entre la chambre de la reine et du roi) où les mesures de F. Pétrie montrent des anomalies.

Quant au revêtement final, qui a aujourd'hui presque entièrement disparu, il pourrait avoir été mis en place à partir du haut vers le bas de la pyramide comme rapporté dans les récits d'Hérodote. Pour ce faire les égyptiens utilisaient des pierres de parement mais il n'est pas impossible du tout que ce revêtement ait été réalisé comme une sorte de ciment-calcaire ainsi que rapporté par J. Davidovits (2005 - The Kheops mystery targeted with neutron); dans ces conditions il n'est pas surprenant qu'il n'ait pas bien résisté au temps.

Pour conclure, les récits d'Hérodote seraient à prendre en compte même si les mots qu'il tient de ses traducteurs restent ambigus. En effet, on ne sait pas ce que signifiait le mot "machine" (faite de bois courts) pour les égyptiens, ni si les "krossais" ou "bomides" désignaient les 203 gradins de la pyramide ou plutôt les massifs d'une pyramide à degrés. Cela dit, en l'absence de véritables preuves, il ne faudrait plus croire uniquement en des théories basées sur des rampes en pente douce ou entourantes dont celle de J.P. Houdin, qui pour expliquer de manière cohérente la construction de la pyramide de Khéops a émis certaines hypothèses, une rampe frontale (F. Petrie) qui aurait pourtant pu être contenue dans la diagonale de la pyramide, et qui précède une rampe en tranchée (J. Rousseau), et introduit les rampes internes ou tunnel, proches de la surface mais faisant partie intégrante de la pyramide (G. Dormion). J.P. Houdin s'est basé le premier sur les mesures de microgravimétrie et a retrouvé peut être sans le savoir, et de manière approximative, certains niveaux principaux qu'il ne considère pas comme tels, mais qui peuvent être reliés au niveau des arêtes par ses rampes entourantes de 8° environ (regarder la figure2 du paragraphe "Rampe diagonale"). Cela dit, cette particularité n'est peut être seulement qu'un résultat de géométrie parmi tant d'autres (nombre d'or etc). Comme nous l'avons vu, il n'existe aucune trace de rampe latérale, et si les égyptiens ont utilisé des rampes pour construire leur pyramide il faudrait les considérer d'abord comme des rampes d'accès pour les premiers mètres, contenues dans la pyramide et sans doute voisines de 26° comme dans la grande galerie qui reste une preuve d'utilisation de rampes en pentes fortes.

*Car aucune représentation de l'Egypte ancienne ne mentionne les animaux de trait. Pourtant les bovins étaient bien présents à proximité du site de construction, comme démontré par Mark Lehner qui pense que les bovins n'ont servi que de nourriture aux bâtisseurs, au même titre que les ovins et poissons dont il a retrouvé les restes sur place. Notez que j'emploie le terme de bâtisseur pour éviter toute polémique sur le fait de savoir s'il s'agissait comme pour les gladiateurs, d'esclaves, de travailleurs rémunérés, la tendance actuelle ou bien des deux.